Transformer une voiture thermique en véhicule électrique n’est plus un délire de bricoleur de garage. C’est une vraie option technique et réglementaire, appelée « retrofit électrique », avec des entreprises spécialisées, un cadre légal clair et, dans certains cas, des aides financières. Mais est-ce vraiment intéressant pour vous, ici et maintenant ? Voyons ça sans filtre.
Qu’est-ce que le retrofit électrique, exactement ?
Le retrofit électrique consiste à retirer le moteur thermique (essence ou diesel) d’un véhicule existant, ainsi que tout ce qui va avec (réservoir, échappement, souvent la boîte de vitesses), pour le remplacer par :
- un moteur électrique,
- un pack de batteries,
- l’électronique de puissance (onduleur, chargeur, BMS),
- un nouveau système de gestion de l’énergie et parfois de freinage.
Objectif : transformer votre véhicule en 100 % électrique, sans émissions à l’échappement, tout en conservant sa carrosserie, son châssis et, dans une certaine mesure, son identité.
La clé à retenir : on ne bricole pas « à la maison » pour rouler sur route ouverte. Un retrofit légal en France doit respecter une homologation stricte, réalisée par un professionnel reconnu.
Un cadre légal bien défini en France
Depuis l’arrêté du 13 mars 2020, le retrofit électrique est officiellement encadré en France. En pratique, cela signifie :
- Le véhicule doit avoir plus de 5 ans (sauf poids lourds, plus de 3 ans).
- La puissance du moteur électrique doit rester dans une certaine plage par rapport à la puissance d’origine.
- Le poids après conversion est limité (grosso modo +20 % maxi vs poids d’origine, selon la catégorie).
- La modification doit être réalisée par un installateur agréé utilisant un kit homologué.
Une fois les travaux effectués, le véhicule passe par une procédure d’homologation (réception à titre isolé ou via un kit déjà homologué) puis un nouveau passage en carte grise pour être classé en « véhicule électrique ».
Résultat intéressant : vous pouvez bénéficier d’avantages liés aux véhicules zéro émission, comme l’accès facilité à certaines ZFE (zones à faibles émissions), l’exonération de taxe régionale sur la carte grise dans de nombreuses régions, et parfois le stationnement gratuit ou à tarif préférentiel.
Quels types de véhicules se prêtent le mieux au retrofit ?
En théorie, quasiment tout ce qui roule peut être converti : berlines, citadines, utilitaires, 4×4, véhicules de collection, bus, poids lourds. En pratique, certains profils sortent clairement du lot.
- Les petites citadines thermiques (Clio, 208, Corsa, Twingo, etc.) : parfaites pour des autonomies modestes (100–200 km), usage urbain, ZFE.
- Les utilitaires légers (Kangoo, Partner, Berlingo, Trafic, Ducato…) : un vrai sujet pour les artisans et flottes pros qui veulent garder leurs véhicules mais accéder aux ZFE.
- Les véhicules de collection ou youngtimers : pour ceux qui veulent rouler encore longtemps sans être pénalisés par les restrictions Crit’Air, tout en préservant le look.
En revanche, le retrofit d’une berline moderne déjà disponible en version électrique (type 208, Corsa, Mégane, etc.) est plus discutable économiquement : racheter directement la version électrique d’usine est souvent plus cohérent… sauf cas particulier (attachement au véhicule, gros travail déjà fait dessus, usage spécifique).
Que change techniquement la conversion ?
Sur le plan technique, un retrofit bien fait n’est pas qu’un « changement de moteur ». C’est une reconfiguration complète de la chaîne de traction.
- Moteur thermique retiré : moteur, réservoir, ligne d’échappement, souvent le système d’alimentation carburant et parfois la boîte de vitesses.
- Moteur électrique installé : généralement positionné à l’emplacement de l’ancien moteur. Certains kits conservent la boîte manuelle, d’autres montent un moteur en prise directe sur le différentiel.
- Batteries : placées dans le compartiment moteur, sous le plancher, dans le coffre ou à la place du réservoir. Leur intégration est critique pour la sécurité et la répartition des masses.
- Électronique de puissance : onduleur, chargeur AC (voire DC selon le kit), câblage haute tension, BMS (Battery Management System).
- Systèmes auxiliaires : direction assistée, freinage, chauffage habitacle, climatisation… doivent être adaptés car ils n’ont plus la source d’énergie thermique d’origine.
Côté sensations de conduite, vous obtenez généralement :
- du couple immédiat,
- une conduite plus fluide en ville,
- moins de vibrations et de bruit,
- mais aussi un poids légèrement en hausse et parfois une vitesse de pointe un peu limitée par rapport au thermique d’origine.
Les étapes d’un projet de retrofit : du devis à la nouvelle carte grise
Un retrofit sérieux suit toujours une démarche structurée. Si ce n’est pas le cas, méfiance.
- Étude de faisabilité : diagnostic du véhicule, état général (corrosion, châssis, freins, trains roulants), espace disponible, poids, usage prévu (ville, péri-urbain, route, pro, etc.).
- Choix du kit et de la capacité batterie : autonomie visée, temps de charge acceptable, puissance souhaitée. Par exemple, un utilitaire urbain peut se contenter de 80–150 km, tandis qu’une berline polyvalente visera plutôt 150–250 km.
- Devis détaillé : pièces, main-d’œuvre, homologation, démarches administratives, garanties. Un pro sérieux indique clairement ce qui est inclus.
- Démontage thermique : retrait des composants moteurs, réservoir, échappement, etc., avec gestion des fluides (huile, carburant, liquide de refroidissement) selon les règles environnementales.
- Installation électrique : montage moteur, batterie, câblages, sécurités haute tension, interfaces avec les systèmes existants (compteur, commande de boîte, tableau de bord).
- Tests et validation : essais routiers, vérification de la charge, des sécurités, du freinage, des comportements à pleine charge et à froid/chaud.
- Homologation et carte grise : passage des tests réglementaires, obtention des documents nécessaires, mise à jour du certificat d’immatriculation en « énergie électrique ».
En pratique, comptez plusieurs semaines d’immobilisation, parfois davantage selon la file d’attente et la complexité de votre modèle.
Combien coûte un retrofit électrique ?
Les ordres de grandeur actuels en France, pour un véhicule léger :
- Petites citadines / petits utilitaires : en général entre 12 000 € et 20 000 € TTC, selon la capacité batterie et la complexité de l’intégration.
- Utilitaires plus gros ou projets sur-mesure : 20 000 € à 30 000 € voire plus.
- Véhicules de collection : très variable, car plus souvent du sur-mesure. Le budget grimpe vite.
À ce niveau de prix, la question est simple : pourquoi ne pas acheter une électrique d’occasion directement ?
Les cas où le retrofit commence à faire sens économiquement :
- Vous possédez déjà le véhicule et il est en bon état châssis/carrosserie.
- Vous avez un besoin d’usage très précis (utilitaire aménagé, véhicule pro outillé, etc.).
- Vous êtes attaché à ce véhicule (collection, modèle rare, aménagement spécifique).
- Vous êtes en zone ZFE et vous voulez prolonger la vie d’un véhicule amorti, sans investir dans un véhicule neuf.
Quelles aides financières pour un retrofit ?
Bonne nouvelle, le retrofit peut bénéficier de plusieurs coups de pouce, sous conditions :
- Prime nationale au retrofit : aide de l’État pour la conversion d’un véhicule thermique en électrique. Son montant et ses conditions évoluent régulièrement (plafonds de revenu, type de véhicule, usage, etc.).
- Aides locales : certaines régions, métropoles ou agglomérations proposent un complément pour les professionnels (artisans, TPE, flottes) et parfois pour les particuliers en ZFE.
- Avantages récurrents : exonération totale ou partielle de la taxe régionale sur la carte grise pour les véhicules électriques, réduction des coûts d’usage (carburant vs électricité, entretien simplifié).
Le mieux est de :
- vérifier les aides en cours sur le simulateur officiel gouvernemental,
- demander à l’installateur : les acteurs sérieux sont en veille permanente sur ces dispositifs.
Les vrais avantages d’un retrofit électrique
Au-delà de la mode et des discours marketing, il y a des bénéfices concrets.
- Prolonger la vie d’un véhicule que vous connaissez bien : au lieu d’envoyer un véhicule en bon état châssis à la casse, vous le réutilisez avec une mécanique simplifiée.
- Accès aux ZFE et restrictions de circulation : votre ex-thermique Crit’Air 3 ou 4 devient un véhicule zéro émission, beaucoup plus toléré en ville.
- Moins de maintenance mécanique : plus de vidange, plus d’embrayage, plus d’échappement, beaucoup moins de pièces en mouvement.
- Coût d’usage réduit : l’électricité au kWh reste généralement plus intéressante que le carburant, surtout en recharge à domicile ou sur site pro.
- Intérêt écologique réel… sous conditions : on évite de produire un véhicule neuf complet. On réutilise la structure existante et on ne remplace « que » la chaîne de traction.
Pour un pro, un retrofit bien dimensionné sur un utilitaire peut être plus pertinent qu’un changement de flotte complet, surtout si les véhicules sont déjà aménagés (étagères, outillage fixe, signalisation, etc.).
Les limites à ne pas ignorer
Tout n’est pas rose, loin de là. Le retrofit a aussi des contraintes importantes.
- Investissement élevé : sur une petite voiture de grande série, la facture peut dépasser largement la valeur du véhicule, même en très bon état.
- Autonomie souvent limitée : intégrer une grosse batterie dans un véhicule qui n’a pas été conçu pour ça est complexe. On reste souvent dans la plage 100–250 km réels.
- Poids augmenté : même si on retire le moteur thermique et le carburant, une batterie pèse lourd. Ce surplus peut se ressentir sur la tenue de route et l’usure des pneus/freins.
- Pas les mêmes prestations qu’une électrique de conception : pas de plateforme dédiée, pas toujours de charge rapide DC, gestion thermique moins optimisée, pas d’aides à la conduite dernier cri.
- Revente plus délicate : le marché de l’occasion pour les véhicules rétrofités reste jeune. L’acheteur devra faire confiance au sérieux du kit et de l’installateur.
Il faut donc raisonner au cas par cas, avec un vrai calcul de coût total de possession (TCO) sur plusieurs années.
Comment choisir un bon installateur de retrofit ?
Le choix du prestataire est probablement le point le plus critique. Quelques critères simples pour faire le tri :
- Homologation claire du kit : demandez les références officielles, les documents d’homologation, les modèles déjà traités.
- Expérience sur votre type de véhicule : une Clio et un utilitaire 3,5 t n’ont rien à voir. Privilégiez ceux qui ont déjà un historique sur des modèles proches.
- Transparence du devis : détail pièces / main-d’œuvre, garantie sur le moteur, la batterie, l’électronique. Durée et conditions de ces garanties.
- Accompagnement administratif : un bon installateur prend en charge ou au minimum guide précisément les démarches d’homologation et de carte grise.
- Retour d’expérience clients : avis, retours sur la consommation réelle, l’autonomie, la fiabilité après plusieurs mois ou années.
N’hésitez pas à poser des questions techniques. Si les réponses restent floues, passez votre chemin.
Quelques questions pratiques fréquentes
Peut-on conserver la boîte de vitesses manuelle ?
Oui, certains kits gardent la boîte d’origine. On roule souvent sur un ou deux rapports, le couple du moteur électrique compensant largement. D’autres kits suppriment totalement la boîte pour passer en prise directe.
Qu’en est-il de l’assurance ?
Une fois le véhicule homologué et la carte grise modifiée, vous pouvez assurer le véhicule comme un électrique classique. Informez clairement votre assureur du retrofit et fournissez les documents d’homologation.
Peut-on rouler à l’étranger ?
En Europe, la carte grise faisant foi, vous pouvez circuler comme avec n’importe quel véhicule électrique. Vérifiez toutefois les particularités locales si vous comptez installer une borne ou utiliser certaines infrastructures spécifiques.
Et la durée de vie de la batterie retrofit ?
Elle dépend de la qualité du pack et de sa gestion thermique. Les installateurs sérieux utilisent des cellules de fabricants reconnus et annoncent des durées de vie comparables aux VE de série (plusieurs milliers de cycles, soit souvent 8–15 ans en usage normal).
Retrofit : pour qui c’est vraiment pertinent aujourd’hui ?
À l’heure actuelle, le retrofit électrique s’adresse surtout à trois profils :
- Les pros en ZFE : artisans, TPE, PME avec une flotte d’utilitaires encore en bon état, mais menacée par les restrictions Crit’Air.
- Les passionnés : propriétaires de véhicules de collection, de youngtimers ou de modèles rares, qui veulent continuer à rouler sans être exclus des centres-villes.
- Les utilisateurs très spécifiques : véhicule aménagé (PMR, camping-car, atelier mobile) où repartir de zéro avec un véhicule neuf serait beaucoup plus coûteux.
Pour un particulier avec une citadine ou une compacte récente de grande série, l’équation économique penche encore souvent en faveur de l’achat d’une électrique d’occasion ou d’un leasing sur un modèle neuf.
Mais les coûts des kits baissent progressivement, l’offre se structure et les volumes augmentent. Le retrofit n’en est qu’au début de sa courbe de maturité. Si vous avez un véhicule auquel vous tenez et un usage compatible avec une autonomie raisonnable, il mérite au minimum une étude chiffrée sérieuse.
