Hommell Berlinette RS : pourquoi elle fascine encore
Dans le paysage automobile français, la Hommell Berlinette RS est une vraie anomalie : un petit coupé léger, fabriqué en Bretagne, avec un moteur Peugeot en position centrale et un châssis affûté comme une voiture de course. Produite à quelques dizaines d’exemplaires, elle coche aujourd’hui toutes les cases de la youngtimer de collection désirable : rare, efficace, utilisable, et encore (relativement) abordable.
Si vous envisagez d’en acheter une, ou simplement de comprendre pourquoi les initiés la considèrent comme l’une des meilleures sportives françaises des années 90, cette fiche détaillée va vous donner une vision claire : historique, fiche technique, performances réelles, agrément de conduite, points à surveiller et cote actuelle.
Brève histoire : l’OVNI de Lohéac
La marque Hommell, c’est d’abord un homme : Michel Hommell, patron de presse (Échappement, Automobiles Classiques…) et passionné de sport auto. Son idée au début des années 90 : créer une berlinette française moderne, dans l’esprit d’une Alpine A110, mais avec des composants de grande série pour maîtriser les coûts et la fiabilité.
Quelques jalons pour situer la Berlinette RS :
- 1994 : présentation de la Hommell Berlinette Échappement, première version, 2.0 16v 155 ch.
- 1998 : arrivée de la Berlinette RS, évolution plus sportive, moteur plus puissant, châssis affûté.
- 2000 : Berlinette RS2, dernière évolution, moteur porté à environ 195 ch.
- Début des années 2000 : arrêt progressif de la production, faute de volumes suffisants.
La Berlinette RS est donc la version intermédiaire : plus aboutie que la première Berlinette Échappement, mais moins radicale (et moins chère aujourd’hui) que la RS2. C’est aussi celle qui offre sans doute le meilleur compromis entre efficacité, facilité d’usage et budget.
Fiche technique détaillée de la Hommell Berlinette RS
La force de la Berlinette RS, c’est un cocktail simple : poids contenu, composants PSA éprouvés, et architecture typée compétition. Voici les points clés.
Moteur et transmission
- Architecture : 4 cylindres en ligne, 2.0 litres, 16 soupapes (origine Peugeot).
- Code moteur : dérivé du bloc PSA de 306 S16 / Xsara VTS (famille XU10J4 ou EW10J4 selon les sources et évolutions).
- Puissance : environ 167 ch à 6 500 tr/min (valeur généralement admise pour la RS).
- Couple : autour de 19 mkg (190 Nm) vers 4 500 tr/min.
- Alimentation : injection multipoint, gestion électronique Bosch.
- Transmission : traction avant, boîte manuelle 5 rapports (origine PSA adaptée).
- Embrayage : monodisque à commande mécanique.
Ce choix de base mécanique PSA n’a rien de glamour sur le papier, mais en pratique c’est un énorme avantage : pièces disponibles, fiabilité éprouvée, et un caractère moteur volontaire, surtout dans les tours.
Châssis, suspension et freins
- Architecture : moteur en position centrale avant (légèrement reculé par rapport à l’essieu), traction.
- Structure : châssis poutre en acier, habillé d’une carrosserie en polyester.
- Suspension avant : indépendantes, type McPherson, réglages spécifiques Hommell.
- Suspension arrière : triangulation, réglages typés circuit (carrossage, géométrie soignés).
- Freinage : disques ventilés à l’avant, disques à l’arrière, sans assistances intrusives (pas d’ESP, ABS parfois absent ou en option selon séries).
- Direction : à crémaillère, assistance variable selon versions, très directe.
Dimensions et poids
- Longueur : environ 3,90 m.
- Largeur : environ 1,75 m.
- Hauteur : autour de 1,20 m.
- Empattement : court, favorisant l’agilité.
- Poids : environ 950 à 980 kg selon équipement.
Moins d’une tonne, 167 ch, une position de conduite très basse et un centre de gravité placé au bon endroit : sur le papier, on est déjà plus proche d’une petite voiture de course immatriculée que d’un simple coupé de grande série.
Habitacle et vie à bord
- Configuration : stricte 2 places.
- Présentation : très fonctionnelle, matériaux simples mais bien assemblés.
- Instrumentation : compte-tours central, infos essentielles, peu de gadgets.
- Équipement : variable selon séries : certains modèles assez dépouillés, d’autres un peu mieux dotés (sièges baquets, harnais, clim parfois absente ou rare).
On est sur une voiture de passionné, pas sur un coupé “lifestyle” : confort et finition sont corrects mais la priorité, c’est le châssis.
Performances : chiffres et ressenti
Les valeurs officielles peuvent varier un peu selon les sources et les bancs, mais l’ordre de grandeur est le suivant pour une Berlinette RS bien réglée :
- 0 à 100 km/h : environ 6,5 à 7,0 s.
- 1000 m départ arrêté : autour de 27 s.
- Vitesse maximale : environ 230–235 km/h.
Des chiffres qui, replacés dans les années 90, mettent la RS au niveau de nombreuses GTI célèbres, avec en plus un agrément très différent.
Sur route : une vraie école de pilotage
Le couple “moteur central / traction avant” peut sembler étrange sur le papier, mais c’est justement ce qui fait la singularité de la Berlinette RS. Le train avant est très chargé, ce qui donne :
- une direction ultra précise, lisible, qui remonte beaucoup d’informations,
- un avant qui mord fort à l’inscription,
- un comportement très neutre à rythme soutenu, avec un léger sous-virage de sécurité quand on dépasse la limite.
Légère, compacte, nerveuse, la RS brille surtout sur routes sinueuses où elle peut exploiter son châssis sans forcément dépasser les vitesses très répréhensibles. C’est une voiture qui récompense un pilotage propre : trajectoires nettes, freinage tardif mais progressif, remise des gaz sans brutalité.
Sur circuit : plus efficace qu’elle n’en a l’air
Beaucoup de Berlinette RS ont goûté au circuit, certaines ont même été engagées en compétition. Son terrain de jeu favori : les tracés techniques plutôt que les grandes lignes droites.
- Freinage endurant, surtout avec des plaquettes et un liquide adaptés.
- Châssis très réceptif aux réglages (géométrie, carrossage, amortisseurs).
- Équilibre sain en appui, facile à lire.
Face à des sportives plus puissantes mais plus lourdes, la Berlinette RS surprend régulièrement. Sur un circuit comme Lohéac, Lurcy-Lévis ou Folembray, bien menée, elle peut humilier des voitures affichant 50 à 100 ch de plus.
Entretien, fiabilité et points à surveiller
L’un des gros atouts de la Berlinette RS, c’est l’utilisation de mécaniques PSA. Le bloc 2.0 16v est bien connu des préparateurs et garagistes, et il ne pose pas de difficultés particulières si l’entretien est suivi.
Moteur et boîte
- Distribution : à faire impérativement dans les temps (courroie + galets + pompe à eau), surtout sur une auto peu roulante.
- Joints et durites : vérifier les fuites d’huile ou de LDR (vieillissement normal sur des autos de plus de 20 ans).
- Boîte de vitesses : généralement robuste, mais synchros à surveiller, surtout 2e et 3e si usage circuit.
- Refroidissement : s’assurer du bon état du radiateur, du ventilateur et du thermostat, la compacité du compartiment moteur n’aidant pas.
Châssis et carrosserie
- Corrosion : la coque est en polyester, mais la structure acier doit être inspectée (poutre centrale, ancrages de suspensions).
- Train avant / arrière : silentblocs, rotules, amortisseurs peuvent être fatigués sur des autos beaucoup pistardées.
- Alignement carrosserie : vérifier symétrie et jeux de carrosserie, surtout après un éventuel off-track ou choc.
Disponibilité des pièces
- Mécanique PSA : pas de problème majeur, pièces largement disponibles, souvent à coût raisonnable.
- Pièces spécifiques Hommell : éléments de carrosserie, vitrage, intérieur, certains composants de châssis : plus délicat.
- Réseau : l’exclusivité impose de se rapprocher de spécialistes, de clubs et du petit réseau d’anciens de la marque.
Avant achat, un passage sur pont chez un professionnel connaissant les petites séries (ou idéalement Hommell) est presque obligatoire. Une Berlinette RS mal réparée après une sortie de route, c’est un casse-tête à remettre au carré.
Berlinette RS vs RS2 : laquelle viser ?
On voit souvent revenir la comparaison entre la Berlinette RS et la RS2, sa grande sœur plus musclée.
En résumé :
- Berlinette RS : ~167 ch, compromis efficacité/agrément très réussi, plus accessible financièrement, plus facile à trouver.
- Berlinette RS2 : ~195 ch, orientation plus radicale, encore plus rare, et désormais nettement plus chère.
La RS, avec son moteur PSA dans une configuration moins poussée que la RS2, est souvent perçue comme :
- plus tolérante à l’usage régulier,
- plus simple à entretenir et fiabiliser,
- et objectivement déjà très performante pour la route comme pour le loisir sur piste.
Si votre priorité est le plaisir de conduite plus que la spéculation, la RS “simple” reste un très bon choix.
Cote actuelle : combien vaut une Hommell Berlinette RS aujourd’hui ?
Sur un marché youngtimer en pleine inflation, les Hommell ont longtemps été sous-cotées. Cette période est derrière nous : les passionnés se sont réveillés, et la production ultra confidentielle commence à peser sur les prix.
Ordres de grandeur (2023–2025)
Les prix varient fortement en fonction de l’historique, de l’état, du kilométrage et de la configuration (usage route, pistarde, voiture de course reconvertie…). À titre indicatif :
- Berlinette RS à reprendre (cosmétique fatigué, kilométrage élevé, historique flou, beaucoup de choses à faire) : rare sur le marché, mais compter souvent autour de 45 000 €, parfois un peu en dessous si gros travaux à prévoir.
- Berlinette RS en bon état (suivi sérieux, pas ou peu de piste, légère patine) : la majorité des annonces se situent plutôt entre 55 000 et 70 000 €.
- Exemplaire très propre / collection (faible kilométrage, historique limpide, proche de l’origine) : on peut dépasser 75 000 €, voire davantage si configuration recherchée.
Les RS2, pour comparaison, s’affichent souvent nettement au-dessus, avec des pointes qui peuvent se rapprocher ou dépasser la barre des 90 000 € pour les plus beaux exemplaires.
Facteurs qui tirent la cote vers le haut
- Rareté : on parle de quelques dizaines de RS produites, pas de centaines. L’offre est structurellement très faible.
- Image : vraie sportive française “artisanale”, bien perçue par les connaisseurs.
- Utilisabilité : mécanique PSA, gabarit compact, utilisable sans avoir l’impression de manipuler un objet de musée fragile.
- Tendance du marché : valorisation des petites séries, en particulier françaises (Venturi, Alpine, etc.).
Facteurs qui peuvent freiner certains acheteurs
- Absence de réseau officiel : pas de concession Hommell, uniquement des spécialistes et le bouche-à-oreille.
- Pièces spécifiques : carrosserie, vitrage, éléments de châssis : à anticiper en cas de gros choc.
- Auto très typée : ce n’est pas un daily, mais une voiture plaisir clairement assumée.
Pour l’instant, la cote de la Berlinette RS reste inférieure à ce que représente l’auto en termes de rareté et de qualités dynamiques. On est plus sur un marché d’initiés que sur un objet de spéculation grand public, ce qui, paradoxalement, est une bonne nouvelle pour les passionnés sérieux.
Conseils d’achat : comment bien choisir sa Berlinette RS
Vu le faible nombre d’exemplaires, il ne faut pas s’attendre à pouvoir choisir la couleur et l’option comme sur une compacte récente. En revanche, il y a quelques points non négociables.
Privilégier l’historique limpide
- Carnet d’entretien, factures détaillées, traçabilité des travaux effectués.
- Informations sur un éventuel usage piste (pas un problème en soi, si bien entretenue).
- Propriétaires précédents connus, idéalement actifs dans des clubs ou forums.
Inspection châssis et structure
- Recherche de traces de réparation structurelle : soudures approximatives, peinture récente localisée sous la voiture.
- Alignement des trains, usure des pneus (un mauvais carrossage peut révéler un problème de géométrie ou un choc mal réparé).
- Vérification des ancrages de suspensions et de la poutre centrale.
État mécanique
- Essai à froid puis à chaud, écoute des bruits parasites (cliquetis, bruits de transmission, craquements de boîte).
- Contrôle de la température en usage soutenu (montée de col, petite session circuit si possible).
- Vérifier la date de la courroie de distribution, du liquide de frein, du LDR.
Originale ou pistarde préparée ?
Vous croiserez deux grands types de Berlinette RS :
- Autos proches de l’origine, souvent recherchées par les collectionneurs.
- Autos plus orientées circuit, avec combinés filetés, baquets, arceau, voire moteur préparé.
Les secondes peuvent offrir un plaisir énorme sur piste, mais leur valeur de revente sera plus dépendante du profil de l’acheteur (et les assureurs peuvent se montrer prudents). Les premières, bien préservées, concentrent généralement la hausse de cote.
À qui s’adresse vraiment une Hommell Berlinette RS ?
La Berlinette RS n’est pas une sportive “grand public”. Elle demande un minimum de connaissances, un réseau de passionnés, et l’envie de s’impliquer. En échange, elle offre :
- un plaisir de conduite très pur, sans filtres électroniques,
- une connexion mécanique qu’on ne retrouve plus sur les sportives modernes sur-assistées,
- le sentiment de rouler dans une vraie pièce de l’histoire automobile française, produite en très petite série.
Pour un amateur de petites sportives affûtées, venant par exemple d’une 205 GTI, 106 Rallye, Clio Williams ou 306 S16, la Hommell Berlinette RS représente une forme d’aboutissement : la quintessence du savoir-faire “à l’ancienne”, mais avec une architecture et un châssis dignes d’une voiture de course.
Et dans un marché où les vraies petites séries bien conçues se raréfient, il y a de fortes chances pour que cette curiosité bretonne continue de gagner en aura… et en valeur, tant qu’elle reste entre des mains de passionnés qui roulent, entretiennent, et transmettent son histoire.
