Manger au volant : simple geste banal ou infraction réelle ?
Qui n’a jamais croqué dans un sandwich ou siroté un café en conduisant, faute de temps ou par habitude ? Sur les longs trajets ou dans les embouteillages du matin, grignoter semble anodin. Et pourtant, le Code de la route ne voit pas ce geste d’un très bon œil. Alors, question cruciale : manger en conduisant, est-ce répréhensible ? Amende possible ? Que dit précisément la loi française à ce sujet ? Voici une mise au point factuelle et sans détour.
Ce que dit (ou ne dit pas) le Code de la route
Premier constat : le Code de la route ne mentionne pas directement le fait de manger en conduisant. Il n’existe pas, à proprement parler, d’article explicitement rédigé pour sanctionner les conducteurs qui dégustent un croissant au volant.
Cependant, cela ne signifie pas que c’est autorisé en toutes circonstances. La règle pivot ici, c’est l’article R412-6 du Code de la route. Celui-ci stipule :
« Tout conducteur doit se tenir constamment en état et en position d’exécuter commodément et sans délai toutes les manœuvres qui lui incombent. »
En clair : le conducteur doit garder la maîtrise de son véhicule à tout moment. Si un comportement — comme manger — altère cette capacité, alors il devient sanctionnable. Voilà où le bât blesse.
Des amendes bien réelles dans certains cas
Ce fameux article R412-6 peut être invoqué par un agent de police si l’attitude du conducteur met en danger sa conduite. Manger un encas tout en gardant une main sur le volant ? Peu de chances d’être inquiété. Mais si cela implique de quitter la route des yeux, de lâcher le volant ou de faire tomber des morceaux sur les genoux, les choses changent.
Voici ce que vous risquez :
- Une contravention de 2e classe
- Montant de l’amende : 35 euros
- Aucune perte de point au permis
Certains cas, s’ils sont jugés plus graves (par exemple, si manger en conduisant provoque un accident ou une conduite dangereuse manifeste), peuvent entraîner une requalification en infraction plus sérieuse, comme « conduite dangereuse » ou « défaut de maîtrise du véhicule ».
Exemples concrets : des PV pour un burger ?
Des exemples ont fait surface dans la presse ces dernières années. En 2020, à Lorient, un homme a été verbalisé pour avoir mangé un sandwich au volant pendant une opération de contrôle routier. Motif retenu par la police : « manque de maîtrise du véhicule ».
Plus récemment, un conducteur habitant Béziers a écopé d’une amende pour avoir mangé des chips tout en conduisant. Là encore, l’argument utilisé a été celui du manque d’attention et de maîtrise.
Dans ces cas, ce n’est pas le sandwich ou le paquet de chips qui sont sanctionnés, mais bien l’état de conduite dans lequel se trouve le conducteur sous l’effet de l’action de manger.
Et boire un café, alors ?
Boire en conduisant tombe sous la même interprétation. Prendre une gorgée d’eau ou de café avec une main sur le volant, dans un trafic fluide, ne devrait pas poser de problème. Mais s’il s’agit de chercher une bouteille sous le siège passager ou de tenir une tasse brûlante à deux mains, là encore, le risque d’amende plane.
Le risque est d’ailleurs accru si vous vous servez d’un gobelet ou d’une bouteille sans bouchon, ce qui peut subitement vous déconcentrer (renversement, brûlure, etc.).
À comparer : téléphone au volant et autres distractions
Pourquoi ce flou autour du fait de manger, alors que d’autres distractions sont strictement interdites ? Le cas de l’usage du téléphone portable est un bon point de comparaison. L’article R412-6-1, introduit en 2015, interdit la tenue en main d’un téléphone en conduisant, sous peine de :
- 135 € d’amende
- 3 points de retrait
La différence majeure : pour le téléphone, l’interdiction est formelle et explicite. Pour manger, la sanction dépend du jugement de l’agent de contrôle sur la façon dont cela affecte votre conduite. Deux agents peuvent donc réagir différemment face à la même scène.
Focus sur la jurisprudence : tolérance ou sévérité ?
Les tribunaux français ne traitent pas souvent de cas où le simple fait de manger au volant est le cœur du litige. Toutefois, lorsqu’il y a accident ou comportement dangereux avéré, le fait de manger peut être retenu comme facteur aggravant.
Dans une affaire jugée à Marseille, un automobiliste a percuté un scooter en sortant d’un fast-food : il grignotait son repas… tout en tournant à gauche sans clignotant. Résultat : suspension de permis et amende lourde, le geste ayant été considéré comme une négligence manifeste.
Manger en voiture à l’arrêt : autorisé ?
Stationné à un feu rouge ou en embouteillage, est-ce toléré ? Là encore, tout est question de contexte. Si le véhicule est à l’arrêt complet, main sur le frein et regard sur la route, le risque est quasiment nul. Mais si vous êtes au milieu d’un carrefour ou en pleine manœuvre, ce n’est plus le cas.
D’ailleurs, il est bon de rappeler que même à l’arrêt, certaines infractions peuvent être retenues si le véhicule est sur la chaussée et que le comportement du conducteur nuit à la circulation ou à la sécurité.
Conseils pratiques : adopter les bons réflexes
Pour une conduite sûre et sans stress (ni amende), voici quelques conseils simples mais efficaces :
- Privilégiez les pauses : profitez des aires de repos pour manger ou boire tranquillement.
- Évitez les aliments bruyants, odorants ou salissants : ils attirent l’attention… et distrait le conducteur.
- Gardez toujours une main sur le volant : cela prouve votre maîtrise et réduit le risque de sanction.
- Ne cherchez pas d’accessoires en roulant : bouteille sous le siège ou serviette dans la boîte à gants ? Attendez l’arrêt.
Côté assurance : un risque non négligeable
En cas d’accident causé par une perte d’attention due à la nourriture ou à la boisson, l’assureur peut considérer qu’il y a eu comportement fautif. Ça ne signifie pas un refus d’indemnisation systématique, mais cela peut impacter le taux de responsabilité, et donc votre malus.
Par exemple, si vous freinez tardivement parce que vous retiriez un noyau d’olive qui roulait sur le tableau de bord, votre attitude pourra être retenue contre vous. C’est rare, mais plausible.
Au final, l’enjeu est la vigilance
Manger ou boire au volant n’est pas un crime. Mais cela peut rapidement devenir une source de danger et… d’amende. Ce n’est pas tant l’acte que la manière qui est surveillée. Maintenir sa concentration derrière le volant est une exigence que le Code de la route place au-dessus de toutes les autres.
Réserver ses moments de pause à des instants d’arrêt réel, c’est aussi une question de confort. Un repas à une aire de repos sera toujours plus appréciable qu’un sandwich écrasé sur le siège passager, entre deux appels de phare agacés et une tache de moutarde sur la chemise.
En résumé ? Si vous devez vraiment grignoter, gardez la tête froide, les deux yeux sur la route, et si possible… les deux mains sur le volant.
