La Renault 19 16s fait partie de ces compactes sportives qui ont marqué les années 90 sans jamais vraiment quitter le radar des passionnés. Sous le capot, le fameux 1.8 16 soupapes F7P, dérivé de la Clio 16S, reste un bloc plein de caractère, capable d’être fiable, performant et encore très intéressant à préparer aujourd’hui. Mais pour en profiter vraiment, il faut savoir où sont ses forces, ses faiblesses, et jusqu’où aller en matière d’évolution.
R19 16s : un moteur de caractère signé F7P
Le moteur de la R19 16s, code F7P, c’est :
- 4 cylindres en ligne, 1 764 cm³
- 16 soupapes, double arbre à cames en tête
- Environ 137 ch à 6 500 tr/min (selon version et marché)
- Environ 158 Nm à 4 250 tr/min
- Injection multipoint, gestion électronique moteur
Sur le papier, les chiffres ne font plus trembler les fiches techniques modernes. Sur la route, l’histoire est différente : la voiture est légère (environ 1 050 kg), la montée en régime est franche et le caractère très mécanique, bien plus « analogique » que les moteurs turbo actuels.
Ce bloc a été développé à une époque où Renault misait gros sur le sport auto et les GTI. Résultat : un moteur volontaire, solide si bien entretenu, et avec un potentiel d’optimisation non négligeable sans en faire une usine à gaz.
Les atouts du moteur F7P sur la R19 16s
Pourquoi ce moteur intéresse encore autant de monde aujourd’hui ? Pour au moins trois raisons.
1. Un vrai caractère à l’ancienne
Sous 3 500 tr/min, le F7P est plutôt docile. Passé ce cap, il s’anime clairement et pousse jusqu’à 7 000 tr/min dans un son métallique typique des 16 soupapes atmosphériques. Ce n’est pas une poussée « turbo », c’est linéaire, mais l’allonge et la sensation de tirer sur les rapports rappellent immédiatement les GTI des 90’s.
2. Une base moteur mécaniquement saine
À condition d’être entretenu correctement, le F7P est capable de gros kilométrages :
- Bas moteur robuste, peu de cas de casse si l’huile est adaptée et changée régulièrement
- Culasse bien conçue, avec un bon flux d’air d’origine
- Distribution classique par courroie, simple à gérer si on respecte les intervalles
Les rares moteurs « explosés » le sont généralement par négligence (courroie oubliée, niveau d’huile catastrophique, surchauffe). Ce n’est pas un bloc fragile, mais il n’aime pas être laissé à l’abandon.
3. Une voiture légère qui met le moteur en valeur
Avec autour de 137 ch pour un peu plus d’une tonne, on reste sur un rapport poids/puissance très correct. Surtout, la direction hydraulique, le train avant précis et un châssis bien né pour l’époque mettent parfaitement en valeur le moteur :
- Relances franches
- Montées en régime rapides
- Conduite participative, sans filtres électroniques
C’est ce combo moteur/châssis qui explique en grande partie la cote montante des R19 16s bien préservées.
Points de vigilance et entretien intelligent
Avant de penser préparation ou optimisation, il faut un moteur sain. Sur une R19 16s, la plupart ont 30 ans ou plus. La priorité absolue, c’est l’entretien préventif.
Distribution : à ne jamais négliger
La distribution par courroie est l’élément n°1 à vérifier :
- Remplacement conseillé tous les 5 ans ou 60 000 à 80 000 km (par prudence sur un moteur âgé)
- Changer toujours courroie + galets tendeurs + pompe à eau
- Profiter de l’intervention pour contrôler les joints (paliers AAC, couvre-culasse, etc.)
Une courroie vieillissante sur un 16s, c’est un jeu dangereux : en cas de casse, la rencontre soupapes/pistons ne pardonne pas.
Lubrification : huile, joint de carter, consommation
Avec l’âge, un F7P peut consommer un peu d’huile. Ce n’est pas forcément anormal, mais il faut surveiller :
- Type d’huile conseillé : 10W40 semi-synthèse de qualité, voire 10W60 sur usage très sportif ou piste
- Vidange tous les 7 500 à 10 000 km maximum, avec filtre à chaque fois
- Contrôle régulier des fuites (joint de carter, joint de cache-culbuteurs, joints spi)
Un niveau d’huile trop bas sur ce moteur qui aime les hauts régimes = usure accélérée des coussinets, jeu accru dans le bas moteur, bruit de cliquetis anormal.
Refroidissement : radiateur, durites, thermostat
Les systèmes de refroidissement d’origine ont vieilli. Problèmes fréquents :
- Radiateur encrassé ou partiellement bouché
- Durites fendillées, poreuses
- Thermostat coincé (moteur trop froid ou surchauffe)
Un bon réflexe sur une R19 16s qui revient de loin :
- Remplacer le thermostat
- Contrôler/renouveler les durites principales
- Nettoyer ou remplacer le radiateur si doute
- Purger entièrement le circuit avec un liquide de refroidissement de qualité
Allumage et injection : fiabiliser avant d’optimiser
Un moteur qui tourne mal ne se règle pas avec une puce magique. Sur ce type de bloc, tout se joue sur des basiques :
- Remplacement des bougies par le bon modèle constructeur
- Contrôle/renouvellement des câbles de bougies et de la bobine
- Nettoyage des injecteurs (banc ou additif sérieux, pas le flacon miracle à 5€)
- Vérification des capteurs clés : PMH, sonde de température d’eau, potentiomètre papillon
Une fois tout ça remis au carré, on gagne souvent déjà en puissance perçue, en souplesse et en consommation, sans avoir modifié la moindre pièce de performance.
Préserver la fiabilité en usage d’aujourd’hui
Les R19 16s ne roulent plus comme au quotidien dans les années 90. On les utilise souvent en loisir, en balade du week-end, voire en sortie circuit occasionnelle. Le moteur doit donc être adapté à cette nouvelle vie.
Adapter le régime d’utilisation
Le F7P aime prendre des tours, mais à froid, ça reste un 4 cylindres de 30 ans :
- Attendre que l’huile soit chaude avant de dépasser 3 000-3 500 tr/min
- Éviter les longs trajets autoroutiers à haut régime constant (5e tirée en permanence)
- Varier les charges pour limiter l’usure et les points chauds dans la culasse
Carburant : SP98 vivement conseillé
À l’époque, ces moteurs étaient conçus pour des carburants avec un indice d’octane élevé. Aujourd’hui :
- Privilégier le SP98, qui accepte mieux l’avance à l’allumage et limite le cliquetis
- Éviter au maximum le E10 sur ce type de moteur ancien, surtout si durites et joints n’ont pas été adaptés
Échappement : silencieux, mais pas étouffé
Un échappement complètement bouché par la rouille ou des chicanes défoncées peut faire perdre beaucoup de pêche. S’il faut le remplacer, autant partir sur :
- Une ligne de qualité OEM ou inox, au diamètre proche de l’origine
- Un catalyseur en bon état (ou sport, si la réglementation locale le permet et que le CT reste OK)
Le but est de libérer légèrement le flux, sans tomber dans la ligne vide façon « 2 CV rallye » qui fait surtout du bruit pour pas grand-chose.
Évolutions simples pour un peu plus de performance
Une fois le moteur sain et bien entretenu, on peut envisager quelques évolutions légères, fiables et réversibles, pour améliorer un peu le caractère et l’agrément.
Admission optimisée
Les boîtes à air d’origine Renault sont rarement catastrophiques. Sur la R19 16s, on peut :
- Monter un filtre air de bonne qualité (papier haut débit ou coton huilé dans la boîte d’origine)
- Assurer une vraie prise d’air frais (éviter les « cônes » aspirant l’air chaud du compartiment moteur)
Gain en chevaux très limité, mais meilleure réactivité à l’accélération et sonorité un peu plus sportive, sans sacrifier la fiabilité.
Reprogrammation légère ou boîtier sur mesure
Sur un moteur atmosphérique d’époque, on ne gagne pas 20 ch avec une carto. Mais une gestion optimisée peut :
- Affiner la courbe d’avance à l’allumage
- Adapter la richesse en fonction d’une ligne un peu plus libre
- Rendre le moteur plus plein dans les mi-régimes
L’idéal est de travailler avec un préparateur connaissant bien les F7P, sur banc, avec une approche prudente. Les « puces génériques » vendues sur Internet, à fuir.
Ligne d’échappement légèrement libérée
Une ligne inox de bon diamètre (proche de l’origine ou très légèrement supérieur), combinée à un catalyseur sport ou un catalyseur neuf, permet de :
- Améliorer le flux d’échappement
- Limiter les pertes de charge à haut régime
- Gagner un soupçon de vivacité sans perdre le couple bas/moyen régime
On ne transforme pas la voiture, mais l’agrément moteur progresse et le son gagne en présence, à condition de rester raisonnable sur le volume sonore.
Préparations plus poussées : ce qui marche vraiment
Pour ceux qui veulent aller plus loin, le F7P a un vrai potentiel, mais chaque cheval gagné coûte de plus en plus cher.
Arbres à cames plus pointus
Changer les arbres à cames d’origine pour des profils plus agressifs est une voie classique :
- Arbres à cames « route-sport » : bon compromis entre puissance en haut et couple préservé
- Arbres à cames « compétition » : moteur très pointu, creux en bas, utilisable surtout sur piste
Attention, ces modifs demandent souvent :
- Reprogrammation adaptée
- Ressorts de soupapes renforcés
- Contrôle très rigoureux du jeu aux soupapes
Travail de culasse
La culasse du F7P est déjà performante, mais un bon préparateur peut :
- Optimiser les conduits (sans les agrandir inutilement)
- Travailler les sièges de soupapes pour améliorer le flux
- Faire un léger rabotage pour augmenter le taux de compression
C’est un travail de spécialiste : mal fait, cela peut détériorer la fiabilité ou même faire perdre de la puissance.
Renforcement bas moteur
Pour des préparations vraiment poussées (usage piste fréquent) :
- Bielles renforcées ou d’origine sélectionnées et équilibrées
- Pistons forgés si augmentation forte du régime de rotation ou compression
- Équilibrage dynamique vilebrequin/volant moteur
On quitte alors la logique « optimisation raisonnable » pour aller vers un projet plus radical, qui a un coût élevé et une maintenance plus exigeante. À réserver aux passionnés très impliqués.
R19 16s au quotidien : valeur, réglementation et choix stratégiques
Avant de se lancer dans une course à la puissance, il faut garder en tête le contexte actuel : réglementation, valeur de l’auto, usage réel.
Cote et intérêt historique
La R19 16s est en train de prendre le virage « youngtimer désirable » :
- Les exemplaires sains, non bricolés, prennent de la valeur
- Les voitures préparées à outrance se vendent généralement moins bien
- Un moteur F7P propre, bien entretenu, est un argument fort auprès des acheteurs
Autrement dit : conserver une base saine, réversible, est souvent plus intelligent qu’une préparation extrême qui rend la voiture invendable ou difficile à assurer.
Contrôle technique et légalité des modifs
En France, beaucoup de modifications lourdes sont théoriquement interdites sur route :
- Ligne décatalysée : non conforme, risque au contrôle technique
- Modifications importantes de la puissance non homologuées : assurance en cas d’accident ?
- Admission « open » très bruyante : risque de refus au CT ou d’amende
Si l’objectif est de garder une auto roulable sur route ouverte, mieux vaut rester sur :
- Optimisation discrète (ligne légèrement libérée mais catalysée, carto, admission propre)
- Mise à niveau châssis/freinage (souvent plus utile que 5 ch de plus)
Assurance et usage réel
Beaucoup de R19 16s roulent aujourd’hui en assurance collection ou usage loisir limité. Les assureurs peuvent se montrer sensibles aux modifications trop visibles ou déclarées :
- Moteur proche de l’origine = moins de problèmes à l’assurance
- Préparation forte = risque de refus de prise en charge ou surprime
En pratique, un F7P bien réglé, fiabilisé, avec quelques petites optimisations propres, offre déjà largement de quoi se faire plaisir sur routes secondaires.
La R19 16s n’a jamais eu vocation à devenir un dragster. Sa vraie force, c’est l’équilibre : un moteur atmosphérique qui prend des tours, un châssis joueur sans être piégeux, et une simplicité mécanique qui permet encore aujourd’hui d’intervenir soi-même si on a un minimum de compétences.
Investir d’abord dans l’entretien, puis dans quelques évolutions raisonnables, c’est la clé pour profiter longtemps de ce 1.8 16s sans le transformer en projet ingérable. Et si un jour la cote s’envole vraiment, vous serez peut-être content d’avoir conservé un F7P propre, performant… et encore proche de l’esprit d’origine.
