Une légende mécanique sous stéroïdes : la R34 revue par Nismo
Quand on parle de culture JDM, un nom revient systématiquement : Skyline GTR R34. Icône indiscutable du street racing japonais et star de Gran Turismo et de Fast & Furious, la R34 est bien plus qu’une sportive. C’est un mythe roulant. Mais encore plus rare et désirable que la R34 standard, il existe une version aux petits oignons réservée à une poignée d’initiés : la Skyline GTR R34 Nismo.
Préparée par la branche sport officielle de Nissan, Nismo — contraction de Nissan Motorsport — cette déclinaison rend hommage à tout ce que la GTR représente : performance brute, technologie avancée et ADN 100 % racing. Découvrons ensemble ce qui se cache sous la carrosserie de cette bête d’exception.
La métamorphose Nismo : pas juste un pack cosmétique
Contrairement à certaines éditions limitées aux seuls appendices esthétiques, la R34 Nismo c’est du sérieux. Il existe plusieurs interprétations Nismo autour de la R34, parmi lesquelles :
- La Nismo S-tune (2000)
- La Nismo R-tune (2002)
- L’ultime Nismo Z-tune (2003-2005)
- Des préparations « ClubSport » ou « Omori Factory » encore plus exclusives
Parmi toutes, c’est la Skyline GTR R34 Z-tune qui fait figure de Graal absolu. Construite à seulement 19 exemplaires par le département Nismo Omori Factory basé à Yokohama, elle résume tout le savoir-faire accumulé par Nissan en matière de motorsport. Le projet Z-tune a été lancé après l’arrêt de la GTR en 2002, avec pour mission de concevoir une GTR ultime à partir de châssis d’occasion, reconditionnés et transformés en hyper-machines homologuées route.
Un moteur repensé pour la piste (et l’autoroute)
Le bloc RB26DETT de la Skyline standard est déjà considéré comme un chef-d’œuvre d’ingénierie. Mais pour la Z-tune, Nismo ne s’est pas contenté d’une simple amélioration. Ils sont partis d’une base complètement démontée et renforcée pour créer le RB28DETT — une version strokée à 2,8L dérivée des moteurs utilisés en JGTC (Japan Grand Touring Championship).
Au menu :
- 2,8 litres de cylindrée
- Bi-turbo parallèle IHI pour une réponse éclaire à tous les régimes
- 500 ch vérifiés (en vérité bien plus, mais bridés sur le papier)
- Torque monumental de 540 Nm
- Ligne d’échappement sur mesure en titane
Résultat ? Un 0 à 100 km/h en moins de 4 secondes et une vitesse de pointe flirtant avec les 315 km/h. Pour une voiture homologuée route en 2005, c’était tout simplement délirant.
Un châssis réinterprété par des ingénieurs obsédés
La Skyline GTR R34 Z-tune n’est pas juste une ligne droiteuse. Nismo a développé cette version avec une rigueur de compétition. Le châssis est complètement renforté, avec soudures MIG supplémentaires, aciers renforcés spécifiques et traitement anticorrosion total. L’ensemble Officiellement baptisé “Z-tune Spec R Chassis” offre 500 % de rigidité supplémentaire par rapport à une GTR standard d’origine.
Ajoutez à ça :
- Amortisseurs Sachs réglables en compression et détente
- Freinage Brembo dérivé du GT500 avec disques de 365 mm à l’avant
- Barres anti-roulis recalibrées Nismo
- Transmission manuelle Getrag à 6 rapports revue et fiabilisée
- Différentiels avant et arrière Nismo RS réglables
Le résultat ? Une voiture rivée à l’asphalte, capable d’engloutir circuits comme Autobahn avec la même confiance. Ce n’est pas pour rien que Nismo désignait la Z-tune comme sa version « route-piste parfaite ».
Design : agressivité fonctionnelle
Chaque pièce extérieure de la Z-tune a été pensée avec un objectif de performance. Pas d’aéro tuning ici, mais de l’efficacité brute. Le bouclier avant redessiné apporte 30 % de flux d’air en plus vers les refroidisseurs d’huile et de frein. Les ailes sont élargies pour accueillir des pneus de 265 mm de large sur jantes 18 pouces spécifiques Z-tune. Le capot est en fibre de carbone, percé d’extracteurs thermiques inspirés de la GT500.
La teinte Z-tune Silver est exclusive et rend hommage aux prototypes GTR de course. On retrouve aussi des petits détails qui font grimper le pouls : badge Z-tune en titane, rétros carbone, et une trappe à essence CNC issue du sport protos.
Intérieur : pur jus JDM avec une pincée de course
Pas de luxe ostentatoire ici. On reste dans le monde du pilotage, sans tomber dans le spartiate. Baquets Recaro recouverts d’Alcantara, volant Momo cuir perforé siglé Nismo, pédalier alu, compteurs aux couleurs rouges spécifiques Z-tune, et une plaque numérotée rivetée sur la boîte à gants.
Le système multifonction MFD (Multi Function Display) au centre du tableau de bord — tech ultra en avance sur son temps — permettait d’afficher en temps réel pression turbo, température d’huile, de l’eau, G-mètre… Pas loin de ce qu’on retrouve aujourd’hui sur les supercars modernes. En 2005, ça avait un goût de science-fiction.
Une histoire de passion, pas de profit
Fait étonnant : la fabrication de chaque Z-tune coûtait bien plus cher que son prix de vente initial (environ 13 millions de yens). Nissan a préféré y voir une vitrine technologique et un hommage à la série Skyline plutôt qu’un produit à marges.
Signe que le pari était réussi ? Aujourd’hui, les Z-tune s’échangent — quand elles réapparaissent sur le marché — à plus de 1,5 million d’euros. Leur rareté et leur pedigree n’ont rien à envier à une Ferrari Enzo ou une Porsche Carrera GT.
Et aujourd’hui ? La légende continue
Sous la pression de la fanbase et vu l’engouement pour les youngtimers japonais, Nismo continue à entretenir la flamme. À sa Nismo Omori Factory, ils proposent encore aujourd’hui des re-conditionnements complets de Skyline dans l’esprit Z-tune. Ils peuvent rajeunir (voire améliorer) une GTR R34 avec des pièces Nismo Heritage ou même reconstruire un moteur RB28 à neuf.
Certes, ça a un coût. Mais pour un amateur averti ou un collectionneur passionné, voir sa GTR transformée par les mêmes mains que celles qui ont œuvré sur les 19 Z-tune, c’est une expérience unique.
La R34 Z-tune : accessible un jour ?
Ne nous mentons pas : à moins de gagner au loto ou de trouver une modèle oublié dans une grange au fin fond de Hokkaido, la Skyline GTR Z-tune n’est pas à portée de toutes les bourses. Mais sa légende inspire encore aujourd’hui des préparateurs du monde entier. De nombreuses GTR R34 sont « Z-tunées » à posteriori, avec des kits carrosserie fidèles, moteurs RB28 replica et freinages équivalents. Ce n’est pas l’original, mais sur le plan des sensations, on s’en rapproche furieusement.
Et puis, avouons-le : posséder une R34, même de base, c’est déjà entrer dans un club très fermé. Avec la récente homologation des modèles de plus de 25 ans aux USA, leur cote explose. Les connaisseurs savent que ce type d’auto n’existera plus jamais. Ni sur le plan mécanique, ni sur celui de la philosophie.
Un dernier tour de piste
Qu’on aime ou pas la culture JDM, impossible de rester indifférent à la Z-tune. Elle résume à elle seule tout ce que les Japonais savent faire de mieux : assiduité, dépassement de soi, recherche de performance sans compromis. Dans une époque dominée par les systèmes d’assistance et les normes d’émissions, la Skyline GTR R34 Z-tune reste un symbole vivant des années où la passion dictait encore la feuille de route des ingénieurs.
On peut toujours débattre de ce qu’est une vraie voiture de sport. Mais ici, le débat est clos. La Z-tune ne se discute pas. Elle s’écoute hurler, elle se respecte. Et surtout, elle se rêve.
